Peut-on être très près de l'autre, sans perdre... Son identité
Nombreux sont ceux et celles qui se réveillent un beau matin ne sachant plus trop qui ils sont, perdus dans leur amour de l'autre. Mais comment arriver à vivre une relation amoureuse saine sans que l'amour nous monte à la tête!
Quand on noue une relation amoureuse, le désir de ne faire qu'un avec l'autre est souvent très fort. C'est comme une envie de fusion, de symbiose. Mais allant à l'encontre d'énoncés voulant que ce rapprochement soit nécessaire à la formation d'un couple, la psychologue que nous avons rencontrée le déplore: "C'est là un réflexe naturel dans la mesure où les gens sont très inquiets, angoissés et immatures en amour. Si deux êtres se mélangent, aucun des deux n'existe réellement", affirme-t-elle.
Pascal et Suzie: 1+1=1
Lorsque Pascal a fait la rencontre de Suzie, ça a été immédiatement le coup de foudre. "Je suis tombé follement amoureux, raconte Pascal. Pour une fois, j'avais envie de m'engager avec une femme. II me semblait que mon désir pour Suzie ne pouvait être assouvi. Globalement, intégralement, je la voulais et j'aurais tout fait pour bâtir cette union. " Assez beau bonhomme, très fier, porte-documents à la main, il admet aujourd'hui avoir été séduit par une image. "Elle était si jolie", chantait Alain Barrière. C'est aussi ce que pense Pascal: "J'ai plongé dans cette relation avec toute la fougue d'un adolescent. Pourtant, j'avais 30 ans! "
Fusionnés comme des siamois, physiquement, affectivement et émotivement, leurs moindres faits et gestes s'accomplissaient en fonction de l'autre. La période euphorique a duré six mois. "Moi qui croyais me connaître, je dois avouer que j'ai bien failli me perdre dans cette relation. Je me suis aimé tant que j'ai vu dans ses yeux qu'elle m'aimait, mais quand j'y ai perçu moins d'éclat, je me suis mis a douter de moi. Je ne savais plus si ce que je faisais était bien ou mal. Je n'avais plus confiance en moi. Pendant trois ans, j'ai tenté de rebâtir le cocon des premiers mois. J'étais totalement envahi par elle et j'essayais de l'englober. Mon identité là-dedans? II m'en restait juste assez pour comprendre que je n'en avais plus beaucoup!"
"Avoir une identité, analyse la psychologue, c'est être une personne réelle, une personne près de son intériorité, mais peu de gens arrivent à la développer! À cet égard, la société ne nous encourage guère: on définit et on catalogue les gens par rapport à un savoir-faire et non par rapport a un savoir-être. Un électricien vaut tant, un médecin tant, une politicienne tant, un laveur de plancher tant. Nous avons une identité sociale, certes, mais notre identité personnelle nous fait souvent défaut." En fait, c'est bien connu, nous vivons plus en fonction du voisin qu'en fonction de nous-mêmes.
Le faux sentiment d'amour
Selon la spécialiste, le coup de foudre, comme celui vécu par Pascal, et le désir de fusion relèvent d'un amour basé sur de l'angoisse et de l'insécurité: "Ça crée un genre de fougue, de fièvre émotionnelle pas vraiment saine parce qu'il s'agit d'un faux sentiment d'amour: on veut posséder l'autre, l'englober, l'aspirer, l'amener sur notre territoire. C'est alors la peur de perdre l'autre et la peur de ne pas être aimée par lui qui dominent. Ce sont des émotions fondées sur ce qu'il nous apporte, sur ce qui nous impressionne chez lui, et non pas sur ce qu'il est vraiment. Ça n'a rien a voir avec l'amour réel d'un couple qui se construit pour traverser le temps."
Heureusement, les couples ne ressentent pas tous ce besoin de se fusionner a tout prix. Néanmoins, fait troublant, la plupart d'entre eux ne seraient pas davantage ensemble, par amour véritable, mais bien par pathologie complémentaire: l'esclave avec le maître, le coupable avec le juge, le protégé avec le sauveur, le disciple avec le maître, etc. "On recherche chez l'autre de quoi combler notre propre carence de développement", expose-t-elle.
Ces relations basées sur la complémentarité peuvent très bien durer toute une vie, mais aussi parfois quelques mois ou quelques années seulement. La psychologue explique ce phénomène: "Lorsqu'un des deux partenaires fait un cheminement personnel ou lorsqu'il mûrit plus rapidement que l'autre, il est possible que le modèle de complémentarité pathologique qui servait de base à leur union ne convienne plus. C'est alors là qu'il y a souvent rupture."
II est également possible que, tout à coup, un des deux partenaires traverse une crise d'identité, ne sachant plus qui il est. "Pourquoi cela survient-il? Probablement parce que celui qui se questionne vit un genre de peine d'amour ou de malaise amoureux quand le faux sentiment d'amour commence à s'effriter. Mais, en fait, c'est qu'il est en processus de conscientisation de sa dynamique de couple, ce qui l'amène à développer un plus haut niveau d'identité personnelle."
Les personnes qui sont loin de leur intériorité, qui ont moins travaillé leur identité, sont celles à qui il manque le plus de maturité réelle. Selon la spécialiste, règle générale, ces personnes vont se retrouver dans un couple pathologique: "C'est une autre forme de symbiose d'où découle une relation de co-dépendance entre les partenaires", explique-t-elle.
Gay et Kathlyn Hendricks, auteurs de L'amour lucide, définissent cette co-dépendance comme un empêchement de se réaliser sans l'intervention d'une autre personne; c'est être sous l'autorité, la domination ou l'emprise de quelqu'un. "Ainsi donc, écrivent-ils, vous êtes co-dépendant lorsque votre comportement est déterminé par celui d'une autre personne et lorsque vous n'êtes pas fidèle à vos propres sentiments."
Un soleil dans les nuages
Maryse a 32 ans. Dotée d'une forte personnalité, elle sait où elle va. Elle a gravi un à un les échelons qui l'ont menée à un poste de niveau supérieur en administration. Branchée sur ses besoins, à l'écoute d'elle-même, elle se connaît bien et sait ce qu'elle veut et ne veut pas.
Pourtant, deux des trois relations amoureuses significatives qu'elle a vécues au cours de la vingtaine lui ont laissé, sur le moment, un goût amer. "Chaque fois, les premiers mois, ça allait, raconte-t-elle. Puis, sans vraiment m'en rendre compte, je commençais à déraper lentement, à inhiber mes propres goûts pour céder la place à ceux de mon ami, à aller voir des films de science-fiction quand je préfère les drames psychologiques, à manger plus de steak en un mois que j'avais l'habitude d'en bouffer en une année, à négliger mes amis, à faire du bateau, moi qui ai le mal de mer! Pire encore, je me "déresponsabilisais" de mon propre bonheur en remettant entre les mains de l'autre la tâche de me rendre heureuse."
À ces deux moments de sa vie, Maryse a littéralement eu l'impression de perdre son identité, et ces expériences ne lui ont pas particulièrement plu. Mais une fois dégagée de ces relations, elle est retombée sur ses pieds et a repris le contrôle de sa vie. "Si au moins j'avais compris ce qui s'était passé dès la première fois, je me serais évité de retomber dans le même panneau cinq ans plus tard! Mais non, il a fallu que je me trompe une deuxième fois pour prendre conscience du tour que je me jouais à moi-même! "
Bien sûr, Maryse se connaissait et avait façonné au fil des années son identité personnelle. Mais l'identité se situe au niveau de l'esprit, tandis que les émotions sont le territoire de l'âme, du coeur. D'ailleurs, ne dit-on pas souvent que "l'amour fait perdre la tête", "qu'il rend fou" ou encore que "le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas". C'est un peu ce qui est arrivé à Maryse. "C'est comme si Maryse avait dans sa tête un gros soleil: son identité, précise la psychologue. Mais dès qu'elle tombe amoureuse, ses émotions forment un gros nuage, qui vient masquer son soleil. Dès lors, on ne la reconnaît plus, elle n'est plus la même. Par contre, dès qu'elle met fin à la relation, que le nuage disparaît, elle retrouve son soleil et son identité. En d'autres mots, ce n'est pas qu'elle avait perdu son identité, mais plutôt qu'elle avait laissé ses émotions subjuguer son esprit."
Le danger pour les adeptes de cet ennuagement émotionnel, c'est qu'ils se disent "Je ne veux plus vivre de relation de couple parce que j'ai peur de perdre mon identité." Mais la solution ne se situe pas là. "II suffit d'avoir un esprit fort, enchaîne la spécialiste. Dès qu'on s'aperçoit que l'on va se faire engloutir par ses émotions, il faut se secouer et réagir."
Maryse l'a finalement compris. Plutôt que de se priver d'une relation amoureuse, elle a pris le taureau par les cornes. "J'ai appris à rester moi-même, à garder les pieds sur terre. Ça ne m'empêche nullement de vivre une relation exaltante par moments, pondérée et réfléchie à d'autres. Mais je demeure responsable de mon bonheur et en pleine possession de mes moyens. Je me connais davantage et je suis de plus en plus confiante en moi-même."
L'amour évolué ou 1+1=3
Depuis près d'un an, Maryse vit avec Gabriel une relation sereine dans laquelle chacun est responsable de sa vie et de ce qui lui arrive. Gabriel ayant lui aussi développé son identité personnelle, ils bâtissent ensemble une relation fondée sur le co-engagement et non sur la co-dépendance, s'entraidant ainsi à devenir des individus à part entière.
Maryse et Gabriel démontrent qu'il est possible d'être très près l'un de l'autre sans y perdre son identité. Chacun évolue dans sa propre énergie, mais ensemble ils en créent une troisième qui est l'énergie du couple. "Alors que la symbiose ou la fusion amoureuse présuppose qu'il y a un mélange des deux individus et que, par conséquent, les deux s'y perdent, l'amour réel et plus évolué permet l'éclosion de trois entités distinctes: lui, elle, et le couple", soutient la psychologue. C'est ce qu'on appelle vivre une synergie amoureuse. La synergie se situe au niveau de l'esprit, C'est un travail d'équipe qui demande du respect, de l'affection, de l'estime, de la confiance et de la tendresse. C'est un amour de l'esprit qui n'a rien à voir avec celui de l'âme, territoire des émotions qui entraîne la possession, la dépendance et la fusion.
"À l'opposé de la co-dépendance, les partenaires d'une relation fondée sur le co-engagement s'engagent à laisser leur relation jouer son rôle de catalyseur jusqu'au bout, ce qui permettra à chacun de développer son potentiel et sa créativité au maximum. L'harmonie redouble l'énergie; leur enrichissement est donc beaucoup plus grand que s'ils étaient seuls. C'est rare, et ça en vaut la peine", écrivent Gay et Kathlyn Hendricks.
Claude et Gaétane: un double défi
Plus on a une identité personnelle forte, plus on va chercher une ou un partenaire ayant lui aussi une identité très développée. Claude et Gaétane sont de cette trempe d'individus et relèvent avec brio un double défi: conjoints dans la vie et collaborateurs au travail. Mais n'est-il pas risqué de partager ainsi deux volets importants de son quotidien sans se fusionner avec l'autre malgré soi? "S'il y a au sein du couple une pathologie amoureuse, une dépendance affective, c'est évident que le fait de travailler ensemble va accentuer la dépendance, souligne la psychologue. Par contre, si les deux sont bien ancrés dans leur identité, ça peut être merveilleux!"
Gaétane se définit comme une femme décidée à aller de l'avant. Claude lui reconnaît un potentiel énorme et une maturité peu commune malgré qu'elle soit d'une douzaine d'années sa cadette. Elle est consciente de ce qu'elle est, de ses peurs aussi, et du cheminement qu'elle a à faire. Non, elle n'a pas craint d'établir une relation amoureuse avec un homme qui partageait déjà sa vie professionnelle.
"Nous sommes différents l'un de l'autre, reconnaît Gaétane, mais nous avons aussi des traits de personnalité qui se complètent. Alors que Claude réagit avec spontanéité, moi je suis plus réfléchie. Si je transpose cela sur le plan professionnel. Claude peut par exemple, lors d'une première rencontre avec un client, occuper toute la place alors que je ne dis presque rien. Mais l'inverse est aussi vrai: à d'autres moments, c'est moi qui débite mon exposé et c'est lui qui écoute." "On se laisse l'un et l'autre assumer le leadership, ajoute Claude. Si on discute d'un dossier, je sais que Gaétane a une façon différente d'en faire l'analyse, une façon qui n'est pas la mienne, mais dont j'ai besoin. Je respecte sa façon de penser."
Tous deux apprécient cette forme de complémentarité et ni l'un ni l'autre ne la perçoit comme issue d'une relation symbiotique, loin de là! "Personnellement, précise Claude, je ne crois pas qu'il existe de relation totalement dépourvue de complémentarité. La personne tout à fait autonome, c'est une vue de l'esprit, un schème de référence en psychologie. Par contre, ce qui augmente tes chances de réussite, c'est si ta base d'autonomie est beaucoup plus forte que ta base de dépendance."
Côte à côte...
Claude et Gaétane vivent une relation égalitaire basée sur la confiance, l'estime, le respect et l'affection. "Je considère que mon rôle, c'est d'être à côté de Gaétane, affirme Claude. Pas devant, pas derrière, mais à côté. C'était clair au début de notre relation et cela règle la question de la dépendance.
Lectures suggérées
• Relation d'aide et amour de soi, Colette Portelance, les éditions du Cram, 1991. • L'amour lucide - Sachez équilibrer vos besoins d'intimité et d'autonomie, Gay Hendricks et Kathlyn Hendricks, le Jour éditeur, 1992. • Ces femmes qui aiment trop, Robin Norwood, Stanké, 1986-1988.II peut arriver, à l'occasion, que je sois derrière elle afin de lui donner une petite poussée, mais c'est un service qu'elle me rend aussi." On a souvent écrit: "Ce qui fait qu'un couple se forme, ce sont les ressemblances.
Ce qui fait qu'un couple dure, ce sont les différences et le respect de ces différences." Claude et Gaétane semblent avoir intégré ce principe. Chacun respecte ce qu'il est et ce qu'est l'autre, et tous les deux ont envie d'évoluer. Même en étant très près, ils ne sont ni en symbiose ni en fusion et ne craignent pas d'en arriver là. "De toute façon, déclare la spécialiste, l'identité, ça ne se perd pas. Ce qui est acquis est acquis. On ne peut qu'augmenter son niveau de conscience personnelle. Et ça se fait par le biais du célibat aussi bien qu'à l'intérieur d'une relation de couple. Ce n'est pas la relation qui détermine notre identité, c'est plutôt l'identité qui détermine la qualité de la relation qu'on crée. "
"Ce que je trouve extraordinaire, conclut Claude, c'est qu'on ait atteint le même niveau de maturité. Je ne sais pas comment on va évoluer dans l'avenir, mais je crois qu'on a des chances, si on y travaille, d'être un fichu bon bout de temps ensemble! "
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